Le syndrome du « Trop de cuisiniers gâtent la sauce »

Une nouvelle épidémie s’abat sur les hôpitaux américains, épidémie qui attend désespérément un traitement. Elle est hautement contagieuse et provoque chez le malade énormément de souffrance psychologique et d’anxiété. Qui plus est, elle coûte au système de santé des millions voire des milliards de dollars de dépenses annuelles. Vous ne la trouverez pas mentionnée dans des livres de médecine ni n’en entendrez parler auprès de grands professeurs, elle porte un nom étrange : Le syndrome du « trop de cuisiniers gâtent la sauce ». Alors c’est vrai qu’elle n’est actuellement pas une maladie médicale et que ses causes ne sont pas à rechercher dans la biologie du corps humain ; mais cette atteinte peut être extrêmement déstabilisante et invalidante pour celui qui en souffre et touche chaque année des centaines de milliers de patients hospitalisés. Interrogez tout médecin de première ligne, chacun admettra l’observer quotidiennement dans son unité médicale.

Le scénario est semblable à ça : Un patient est admis à l’hôpital, puis est vu par un certain nombre de spécialistes du fait de la complexité de sa maladie. Autrefois son médecin traitant l’aurait suivi à l’hôpital, mais aujourd’hui ces patients sont habituellement assignés à un interniste qu’on appelle « médecin hospitalier ». Le problème étant que ces médecins n‘ont jamais rencontré ces patients et doivent donc initier leur prise en charge en partant de zéro, prise en charge qui fera intervenir selon les cas, des chirurgiens, des cardiologues, des néphrologues, des gastroentérologues…. Mais du fait de l’affairement hospitalier, il n’y aura souvent que très peu de communication directe entre chacun de ces médecins. Et il est fréquent qu’un spécialiste dise au patient une chose (par exemple, « Vous avez un problème exclusivement cardiaque ») puis qu’un autre lui dise tout autre chose (« Votre problème est pulmonaire ! »). Entre ces différents acteurs, le médecin hospitalier ne sera pas forcément tenu à jour sur ce qui est fait, sur les traitements donnés et sur la stratégie thérapeutique mise en place. Tout ça alors que le patient est submergé par un flot d’informations émanant de nombreux médecins différents.

Cette situation se déroule chaque jour dans notre pays et est symptomatique d’un bien plus grand problème, qui n’est autre que la fragmentation du système de santé. Cette fragmentation affecte négativement la satisfaction du patient et son vécu de l’hospitalisation, lui causant ainsi énormément de frustration et d’incompréhension. Alors quelle est la solution ? La première étape serait de déterminer clairement qui est « le capitaine du bateau » durant l’hospitalisation. Généralement ce rôle sera assuré par le médecin hospitalier (pour un patient atteint d’une pathologie médicale). La seconde étape sera d’avoir la certitude que chaque spécialiste aura compris qui est le médecin principal (et de le souligner au patient autant que nécessaire) et qu’il doit immédiatement lui communiquer ses décisions. Ces échanges ne doivent pas forcément passer par un long processus, un simple message écrit pourra être suffisant. Ensuite il est nécessaire que le médecin hospitalier garde en tête qu’il est le « capitaine  du bateau » même si les soins sont essentiellement guidés par un autre spécialiste, chez un patient en attente d’une prise en charge chirurgicale par exemple. Enfin ces médecins devront avoir suffisamment de temps pour assumer ce rôle et il est donc essentiel qu’ils ne soient pas surchargés par un excès de travail.

Article original :  http://suneeldhand.com/2015/10/13/too-many-cooks-in-the-kitchen-syndrome/

Dr. Suneel Dhand est médecin. Vous pouvez consulter son blog ici : www.suneeldhand.com.